ENZO ESCORT BOY

Publié le par Un autre Fred

On les appelle pudiquement des « escort boys ». Un soir alors que j’étais tranquillement dans un bon bain chaud, je me suis mis à lire un article dans l’Express qui racontait le parcours chaotique de plusieurs garçons qui pratiquaient la prostitution homosexuelle. En parcourant les témoignages recueillis ici et là, j’ai été surpris par les motivations toutes différentes de ces jeunes (ils sont étudiants, ou même salariés) qui n’hésitent pas un instant à vendre leurs charmes pour quelques centaines d’Euros la nuit par besoin d’argent mais pas seulement. Les statistiques sont assez effarantes sur le nombre d’hommes qui s’adonnent à la prostitution et ce en dépit de tous les interdits que la France a dressé contre cette population. Le racolage étant interdit (mais toléré notamment Porte Dauphine ou au Bois de Boulogne où quelques réseaux mafieux continuent d’exploiter travestis et autres mineurs immigrés), ils se sont tournés vers internet.

 

La législation française étant plus que permissive sur le sujet, des sites comme Gayromeo (où on dénombre 2500 « escorts » français) ou Escupido profitent largement de la liberté de la toile. En effet, ces sites sont domiciliés aux Pays-Bas où la législation est plus que favorable. Mais pour la France, ces sites se livrent « à une activité de proxénétisme – considérée par la loi comme le fait d’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ».

 

Étant sur un des sites mentionnés pour rencontrer (mais je ne m’y connecte plus…), non pas des escorts (je ne suis pas encore au stade où je vais devoir me payer les services d’un mec), je me suis dit qu’il était intéressant de connaître les motivations de quelques hommes. J’ai donc envoyé 4 mails à des profils différents et leur ai soumis quelques questions assez généralistes pouvant laisser libre cours à leurs confessions si, bien entendu, ils en avaient envie. J’avais précisé que j’allais écrire un article sur ce sujet et que s’il ne voulait pas répondre, il suffisait de me renvoyer le mail. Une personne m’a répondu que c’était trop personnel d’en parler, une ne m’a pas répondu, une m’a dit qu’elle me contacterait mais que ça ne le dérangeait pas du tout (j’attends toujours) et enfin une dernière qui a accepté ma sollicitation.

 

C’est donc un vendredi soir que j’ai rencontré, virtuellement sur MSN, Enzo (le prénom a été changé) 24 ans. Les quelques mots de son profil annonçaient déjà la couleur. Quand il a lancé la caméra (je ne pensais pas le voir tout de suite, voire pas du tout), j’ai bien reconnu le garçon qui était à l’origine de l’annonce. Je lui ai parlé de ce que je voulais écrire comme article et le publier sur mon blog. Il a demandé à lire ce que j’écrivais et c’est uniquement à partir de ce moment qu’il a décidé de se confier. Oui, se confier parce que les mots ont fusé pendant presque 3 heures.

 

Enzo est donc escort depuis mi août 2010. Une expérience dans le passé l’avait déjà poussé à vendre ses charmes. Sa première expérience m’a faite sourire, je ne m’attendais pas à ce qu’il me raconte ça de cette manière. Les 20 € en poche, somme qu’il n’avait pas imaginé demandé au début, était sa première rémunération. Il est sorti de la voiture avec cette sensation de se sentir exceptionnel en raison de son physique assez avantageux.

 

Compte tenu de son parcours scolaire un peu en pointillé, il n’a pas d’autre choix que de vivre du RSA puisqu’il n’a pas de travail fixe, il considère que, pour l’instant, c’est sa profession à plein temps, même si depuis quelques semaines, les clients se font de plus en plus rares. Il occupe ses journées à aller sur internet, sur les sites de rencontres.

 

Une question me taraudait depuis un petit bout de temps sur le fait de prendre du plaisir ou non à coucher avec ses clients. Ça été un non presque ferme, le seul plaisir qu’il pouvait prendre c’était à la rigueur exercer une activité lucrative qui lui permettait de vivre un temps soit peu décemment.

 

Et puis est venue la question de savoir pourquoi il en était arrivé à se prostituer. Et là, il m’a livré sa vie sur l’écran avec une émotion sans pareil. Des abus sexuels de la part de son frère mais dixit Enzo : « je ne l’ai pas mal vécu, car il n’y avait pas de violence et j’y prenais un certain plaisir, mais ce n’est pas arrivé souvent et j’avais 5 ou 6 ans. Je ne sais pas quel rôle ça a dans ma sexualité d’aujourd'hui, ni dans le fait de faire ce que je fais mais je sais que c'est le cas de beaucoup de gens qui se prostituent d'avoir connu un abus sexuel ». Il a continué à parler de sa vie d’écolier, des sévices corporels et psychologiques que son institutrice lui faisait subir (pour le bien des enfants paraît-il, il n’était pas le seul). Ce qui m’a le plus surpris, c’est que même à son âge, il puisse avoir des jugements et des paroles d’un homme beaucoup plus âgé, aussi censé, aussi mûr. Ça l’a fait sourire quand je lui ai dit ça. Quand on voit certains gamins de cet âge actuellement, on se demande si la lumière est allumée à tous les étages…

 

La période du collège n’a pas été plus fructueuse en terme de réussite scolaire puisqu’il a du terminer sa troisième avec des cours par correspondance jusqu’à l’âge de 18 ans où il est arrivé sur Lyon où il a connu l’amour pendant 5 ans ½ jusqu’à la séparation où il a décidé de monnayer ses charmes.

 

Quand on est extérieur à ce milieu, on se pose des questions quant aux exigences des clients. Certains peuvent demander des trucs que leur mec ou leur femme n’accepte pas de faire (du trampling, du fist ou autre truc dont je serai bien en peine de recevoir). L’âge de ses clients varie entre 35 et 55 ans (homos ou hétéros), c’est lui qui fixe le prix en fonction des demandes de chacun et il lui arrive de gonfler un peu ses tarifs en raison d’un physique peu avenant… Il avoue n’avoir jamais eu de demandes particulières, il ne travaille pas avec des accessoires toujours au naturel comme il dit !

 

Malgré tout ça, il aimerait continuer dans de meilleures conditions, « dans des vitrines », donc avec beaucoup plus de clients pour mettre de l’argent de côté pour pouvoir partir à l’étranger. J’avais lu les quelques commentaires de ses clients sur le site qui ne tarissaient pas d’éloge à son sujet sur sa tendresse, ton côté câlin. C’est tout ce que j’ai retrouvé chez lui, dans son regard, son sourire. Enzo a bien tenté de me proposer ses services, je n’ai évidemment pas accepté, ça été un petit jeu assez subtile mais très drôle.

 

Je l’ai trouvé touchant, drôle, sensible, le physique a son image en somme. J’ai appris pas mal de choses en parlant de tout ça avec lui. Parfois, la prostitution ne se subit pas, comme bien souvent mais est finalement choisie par obligation pour vivre ou survivre. Enzo en est l’exemple même. Merci de t’être confié, d’avoir parlé ouvertement sans détours ni gêne…

Publié dans SEQUENCE EMOTION

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D
http://www.frenchrivieraescort.com/
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S
<br /> En complément, une bande annonce d'un documentaire qui donne la parole aux prostituées femmes. J'aimerai bien trouvé ce doc, d'ailleurs. ca a l'air pas mal et loin du "gros plan sur la petite<br /> larme" façon feu Delarue.<br /> http://www.films-graindesable.com/les-travailleuses-du-sexe/index.php<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Il y a tout de même très très peu de personnes qui se prostituent par plaisir.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Bel article d'investigation mais belle déontologie. Tu ne t'es pas donné corps et âme.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Très bonne investigation mon petit Fred et excellent sujet.<br /> <br /> <br />
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